
15/09/2020
En Belgique, le congé de paternité est de dix jours[1]. Ce sont des congés payés, non obligatoires, que les pères salariés ou indépendants peuvent prendre en une seule fois ou étalés durant les quatre premiers mois suivant la naissance de l’enfant. Depuis plusieurs années, la question fait débat au parlement fédéral afin de l’allonger et le rendre obligatoire. Certains partis souhaitent l’allonger à 20 voire 25 jours, qu’il puisse être pris dans les six premiers mois de l’enfant, ou encore que la mère puisse transférer au père une partie de ses propres congés[2]. Les mères ont, quant à elles, droit à un congé de 15 semaines. Il peut être divisé en deux, c’est-à-dire un congé prénatal facultatif de six semaines ainsi qu’un congé postnatal obligatoire de neuf semaines.
La question de l’allongement du congé de paternité questionne les rapports femmes-hommes et leur lien avec le futur enfant. Certain.e.s estiment que la mère joue un rôle prépondérant dans le développement de l’enfant, ce qui justifie un congé plus long que celui des pères. Les femmes ont également besoin de se remettre physiquement après une grossesse et un accouchement, ce qui n’est pas le cas du père. Or, non seulement les pères jouent un rôle important dans les premiers mois de la vie de leur enfant, mais ils contribuent également à aider les mères à se reposer et à participer aux tâches ménagères. In fine, l’allongement de la durée du congé de paternité est un élément clé dans la lutte pour l’égalité femmes-hommes.
L’origine du congé maternité/paternité
Le congé de maternité a été introduit afin de préserver la santé de la mère ainsi que du nouveau-né et de lui garantir une sécurité économique et de l’emploi. La législation actuelle comprend en effet également une protection contre le licenciement et la discrimination, le salaire de la mère étant garanti ainsi que son droit de reprendre le travail après la naissance. Si la durée du congé de maternité a été augmenté depuis sa création et ne fait plus débat, la question du congé de paternité est plus récente.
La loi sur le congé de paternité en Belgique date de 1992, et permettait à chaque père de prendre dix jours de congé dans les 30 jours suivant la naissance de l’enfant. Suite à une modification législative, le délai est maintenant de quatre mois après la naissance. Depuis 2011, ce congé est également accessible aux co-parent.e.s.
Outre, l’importance du congé de paternité pour l’implication du père dans l’éducation de l’enfant dès sa naissance, ce congé lui permet également de renforcer sa présence et le lien parent-enfant. Homme ou femme, ce lien est primordial. Des détracteurs considèrent pourtant encore que la femme joue un rôle bien plus important auprès de l’enfant et que l’homme n’aurait dès lors pas besoin de voir son congé augmenté.
L’avis des pères et le rôle des pères et mères dans le développement de l’enfant
Contrairement aux idées reçues, l’attachement d’un enfant à son parent ne dépend pas de son genre. En d’autres termes, les bébés ne sont pas plus attachés à leur mère parce qu’elle est une femme, mais tout simplement par sa présence. En effet, être présent auprès de son enfant au début de sa vie et passer des premiers moments ensemble comme donner le biberon, le bain et avoir un contact physique, favorise un attachement égal envers les deux parents. En outre, il est à constater que les pères qui prennent leur congé de paternité sont plus impliqués, par la suite, dans la vie de leurs enfants.
A l’heure actuelle, de plus en plus de pères sont insatisfaits de la durée du congé de paternité. Non seulement, ils la trouvent trop courte, mais seraient également favorables à prendre des congés avant et après la naissance. Les pères reconnaissent l’importance de leur présence auprès de leur partenaire pour la soutenir et/ou passer du temps avec le nouveau-né. Ce congé leur permet de s’occuper de l’enfant ou des tâches ménagères, et d’effectuer les actes administratifs liés à la naissance[3].
Ce congé permet par conséquent aux pères ainsi qu’aux mères de passer non seulement du temps en famille, mais aussi de se préparer à accueillir l’enfant. En effet, l’arrivée d’un enfant est cruciale dans l’organisation de la vie de famille. Un congé de paternité plus long permet aux deux parents d’être présents et d’avoir une répartition des tâches plus égalitaires, comme le constatent les pères qui prennent leur congé. Sur le long terme, une présence égale permet une meilleure répartition des tâches entre le père et la mère, et pas uniquement dans les premières semaines d’un enfant[4]. En outre, dans de plus en plus de ménages les deux parents travaillent à temps plein. Ce marathon de la vie professionnelle et de famille accentue le recours aux congés parentaux (quatre mois à prendre avant les douze ans de l’enfant) ; l’augmentation est surtout notable chez les hommes. Cette démarche constitue un appel clair des parents à prendre du temps pour leurs enfants[5].
L’intérêt pour le père et la mère, mais aussi pour l’égalité femmes-hommes
D’une manière générale, la société a intérêt à augmenter la durée du congé de paternité. Cet allongement permettrait aux pères de passer davantage de temps auprès de leur enfant et également éviter que les mères se retrouvent seules dans ce soudain changement de vie. Qu’il s’agisse du premier enfant ou non, l’accueil d’un nouveau-né est une étape importante. Cette présence supplémentaire permet ainsi aux mères de se remettre de leur accouchement sans devoir gérer seule le nouveau-né, de se reposer et prendre du temps pour elles.
L’égalité parentale est une mesure clé de l’égalité femmes-hommes car elle consacre un rôle égal au père et à la mère : les rôles des deux parents s’équivalent dans l’éducation d’un enfant. Consacrer cet état de fait dès les premiers jours d’un enfant construit les bases de cette relation où la mère n’a pas à s’occuper principalement/prioritairement de l’éducation des enfants. La femme étant l’égale de l’homme, et l’homme étant l’égal de la femme, chaque parent joue un rôle égal dans la vie de son enfant. Comme le reconnaît l’Organisation Internationale du Travail dans son rapport « Maternité et paternité au travail de 2017 », « le fait de consacrer le droit à un congé de paternité rémunéré dans la législation nationale permet d’envoyer un message clair quant à la valeur que la société accorde au travail de soins apportés par les femmes et les hommes, ce qui permet de garantir l’égalité hommes-femmes »[6].
Par ailleurs, le congé maternité est parfois invoqué comme justification de l’écart salarial entre les hommes et les femmes ; les femmes prennent en général davantage de congés ce qui représente un coût pour une entreprise. Un congé parental équitable entre le père et la mère permettrait de supprimer cet écart. En effet, comme l’a démontré une étude suédoise, chaque mois de congé pris par le père durant la première année de la vie de l’enfant induirait une augmentation de 6.7% du salaire de la mère[7]. Alors que près de huit femmes sur dix estiment que la maternité a eu un impact négatif sur leur carrière[8], il est grand temps d’améliorer leur situation. Au-delà de la question salariale, allonger la durée de ce congé lutte également contre les discriminations à l’embauche dont sont victimes les femmes, sous prétexte qu’elle risque de tomber enceinte et couterait plus cher à une entreprise. Adopter des congés de paternité et maternité de durée égale mettrait fin à ces discriminations. L’allongement de la durée du congé de paternité est par conséquent un élément clé de l’égalité femme-homme.
Chez nos voisins européens
Certains pays européens sont plus avancés sur la question de ce congé[9]. Comme souvent en ce qui concerne l’égalité femmes-hommes, les pays scandinaves ont une longueur d’avance et octroient un congé de paternité bien plus long. En Suède, le père et la mère ont droit à 60 jours chacun, et se partagent ensuite 320 jours comme ils le souhaitent. La Norvège, quant à elle, permet aux pères de prendre dix semaines de congés, et l’Islande 90 jours. Mais il n’y a pas que les pays nordiques qui proposent un congé plus long : en Espagne, il est actuellement de 8 semaines et passera à 16 semaines en 2021.
La directive européenne de 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants[10] oblige les États membres de l’Union européenne à permettre aux pères de prendre au minimum dix jours de congé. Certains pays européens comme l’Allemagne ou la Croatie ne prévoient pas encore de congé de paternité, les Pays-Bas ne proposent que deux jours, la Belgique applique dès lors le minimum prévu par la directive.
Conclusion
Les nouvelles générations sont plus sensibles à une présence duale auprès du nouveau-né, donc en rupture avec le passé. Ce désir des partenaires d’être davantage présent.e.s au moment de l’arrivée d’un enfant se heurte aujourd’hui à une loi belge en décalage avec la société d’aujourd’hui.
Dix jours ouvrables, soit deux semaines, dans un moment aussi capital que l’arrivée d’un enfant au sein de la famille et lorsque partenaire et nouveau-né ont besoin d’un soutien, semble infiniment peu. Le CFFB est favorable à un allongement du congé de paternité à 15 semaines, comme celui des mères[11]. Il serait temps de faire progresser notre société en allongeant la durée de ce congé afin non seulement de permettre aux pères de jouer le rôle qu’ils désirent dans la vie de leur enfant, mais aussi de favoriser et renforcer l’égalité femmes-hommes.
Marianne Chagnon et Caroline Delava
Commission jeunes CFFB
[1] “Congé de paternité”, disponible sur https://emploi.belgique.be/fr/themes/jours-feries-et-conges/conge-de-paternite ;
[2] “Congé de paternité : vers une obligation et un allongement de la durée”, 05.02.2020, disponible sur www.rtbf.be/info/belgique/detail_conges-de-paternite-vers-une-obligation-et-un-allongement-de-la-duree?id=10425512 ; “Que va devenir le congé de paternité ?”, 05.02.2020, disponible sur www.lecho.be/economie-politique/belgique/economie/que-va-devenir-le-conge-de-paternite/10205804.html ;
[3] Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, « Congé de paternité en Belgique : l’expérience des travailleurs », 2011, disponible sur https://igvm-iefh.belgium.be/fr/publications/de_ervaringen_van_werknemers_met_vaderschapsverlof_in_belgi_ ;
[4] “Les congés parentaux : un moyen d’accroître l’égalité hommes-femmes”, 08.10.2018, disponible sur www.rtbf.be/info/economie/detail_les-conges-parentaux-un-moyen-d-accroitre-l-egalite-hommes-femmes?id=10039720 ;
[5] “Les congés parentaux : un moyen d’accroître l’égalité hommes-femmes”, 08.10.2018, disponible sur www.rtbf.be/info/economie/detail_les-conges-parentaux-un-moyen-d-accroitre-l-egalite-hommes-femmes?id=10039720 ;
[6] Organisation Internationale du Travail, « Maternité et paternité au travail », 2017, disponible sur www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/—dgreports/—dcomm/documents/publication/wcms_242619.pdf ;
[7] Johansson, E. A. “The effect of own and spousal parental leave on earnings”, Institute for Labour Market Policy Evaluation, Uppsala, 2010 ;
[8] “La France pourrait rendre le congé paternité obligatoire, mais elle ne le veut pas”, 21.11.2019, disponible sur www.slate.fr/story/184356/egalite-femmes-hommes-allongement-conge-paternite-obligatoire-rapport-igas-reticence-gouvernement ;
[9] “Congé de paternité : la Belgique dans la moyenne, la Suède loin devant”, 05.02.2020, disponible sur www.rtbf.be/info/societe/detail_conge-de-paternite-la-belgique-dans-la-moyenne-la-suede-loin-devant?id=10425468 ;
[10] Directive (UE) n° 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil ;
[11] « Pétition pour un congé de paternité de 15 semaines », 31.08.2020, disponible sur www.cffb.be/petition-pour-un-conge-de-paternite-de-15-semaines/.