Une responsabilité fédérale
La prostitution est reconnue en Belgique comme une forme de violence sexuelle (Plan intra-francophone de lutte contre les violences sexistes et intra-familiales 2015-2019, Plan d’action national de lutte contre toutes les formes de violence basée sur le genre 2015-2019). La Belgique a ratifié (et inscrit dans son code pénal) la Convention des Nations Unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, qui considère que « la prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine ».
Cependant, aucun plan d’action intégré et complet n’a été présenté au niveau fédéral pour mettre en œuvre les mesures belges de protection des victimes de la prostitution, de pénalisation du proxénétisme, et démontrer comment la lutte contre le système prostitutionnel vise à réaliser l’objectif d’égalité femmes-hommes. En l’absence d’une politique intégrée et ambitieuse, les communes agissent comme elles le peuvent à leur niveau de compétences pour ‘gérer‘ la prostitution mais ces mesures ne s’inscrivent pas dans une vraie réflexion sociétale sur l’impact de la prostitution sur la société et sur l’objectif d’égalité femmes-hommes.
Il est donc de la responsabilité des bourgmestres de rappeler que le proxénétisme et la traite des êtres humains sont des phénomènes criminels transnationaux qui dépassent leurs champs de compétence. Les communes doivent interpeller le fédéral pour qu’une réponse cohérente et intégrale soit donnée envers le système prostitutionnel, dans le respect de l’objectif d’égalité femmes-hommes.
Associer les associations de terrain à la réflexion pour l’action des communes
En attendant une action du fédéral, nous encourageons les communes à associer dans leur réflexion les associations partageant l’objectif d’égalité femmes-hommes et l’ambition de sortie de prostitution. Il est important que la perspective abolitionniste sur le phénomène prostitutionnel soit représentée dans les plateformes communales en lien avec l’égalité femmes-hommes, les violences faites aux femmes, et/ou la prostitution et la traite. Il est aussi important que les communes octroient des subsides pour les associations qui accompagnent les personnes en situation de prostitution dans leurs démarches et dans des projets de sortie de prostitution, et qui développent des actions de sensibilisation sur l’impact de la prostitution sur la société et sur les jeunes.
Refuser de reconnaître et d’encadrer le système prostitutionnel et de jouer le rôle de proxénète
Afin de lutter contre la traite des êtres humains, et de promouvoir l’égalité femmes-hommes, les communes doivent refuser toute action qui aurait comme conséquence la reconnaissance ou l’encadrement du système prostitutionnel. Il n’est pas possible, dans le cadre de la loi belge, d’accorder des permis d’urbanisme pour la construction ou l’aménagement de lieux de prostitution, d’ouvrir et de laisser vivre des eros-centers, des vitrines, des carrées, et autres bordels, et encore moins de les taxer, ce qui signifie les légitimer dans leur activité et devenir communes proxénètes.
CPAS et commune
Les communes, au travers des CPAS et de leurs politiques de population, doivent mettre en place des politiques ambitieuses qui visent à prendre en compte les vulnérabilités spécifiques des personnes en situation de prostitution, et leur proposer des alternatives, l’accès aux logements sociaux, à l’individualisation de leurs droits, et à toute forme de soutien pour sortir de la prostitution et vivre dignement, y compris en interpellant le fédéral pour l’octroi de titres de séjour aux personnes étrangères victimes de prostitution et de traite.
Police et justice
Nous demandons aux communes d’interdire la répression envers les personnes prostituées qui est parfois mise en place par la police communale, et prend également la forme de racket ou d’enregistrement sur des registres (mesures qui vont à l’encontre du code pénal). Il est indispensable que les communes mettent en place un partenariat rapproché avec les parquets pour démanteler les réseaux de traite des êtres humains sur leur territoire.
Sensibilisation
Enfin, dans le cadre de leurs compétences, les communes peuvent développer des actions de sensibilisation à la réalité de la prostitution afin de former leur personnel (CPAS, police, services communaux, y compris le personnel enseignant) et d’éviter ainsi la propagation de mythes ou de stéréotypes banalisant la prostitution et la violence qu’elle représente.