Un texte de la présidente du CFFB
Cela n’a pas traîné, les mâles du parti d’extrême droite ont réussi leur coup : serrer la main du chef de l’Etat, évincer fissa les deux premières femmes élues sur leurs listes, illico remplacées par des hommes, et remettre en cause rien moins que l’égalité des femmes et des hommes. « En politique, 50% de femmes, c’est trop ! », dixit sur les ondes de Radio 1 celui qui vient de franchir la ligne rouge en même temps que les grilles du Palais royal.
Le cauchemar ne fait malheureusement que commencer. Malgré son changement de nom, ce parti reste fidèle à son ADN anticonstitutionnel, anti-belge, anti-démocratique, et avec une constance qui frise l’obsession, homophobe et anti-femmes. C’est un fait, le VB est le parti le plus anti-féminin que la Belgique ait connu, même si comme l’écrivait le journaliste Guido Gijsels[1], le Verdinaso d’avant-guerre n’était pas en reste ; cette référence historique donne le ton.
Les loups sont entrés dans nos vies, et leurs compagnes de route ne valent pas mieux. Il y a moins de deux mois, la présidente du VB de Saint-Trond a été virée du parti pour avoir publié une photo où elle faisait le salut hitlérien. Un post qui fait mauvais genre, mais surtout punissable par la loi. En ce mois d’avril 2019, à quelques encablures des élections, les nouveaux visages de l’extrême droite belge ont joué les effarouchés. Leur but en l’excluant était surtout d’éviter l’erreur monumentale de 2004 : après un score de 24% au parlement flamand, le parti a été condamné pour racisme par le tribunal de Gand et a dû se dissoudre. Bye Bye le Vlaams Blok, grimé désormais en Vlaams Belang.
Aujourd’hui, Monsieur Van Grieken a montré patte blanche, claironnant que « c’est tout à fait normal » d’être reçu au Palais et qu’il faut respecter l’électeur. Les électeurs peut-être, mais pas forcément ceux qu’ils élisent. Qui sont-ils ? Que veulent-ils ? Exactement la même chose que le fondateur du parti en 1978, le tristement célèbre Karel Dillen, un raciste et antiféministe assumé. Avant le look costume trois-pièces et sourire Pepsodent, les virils copains du Blok faisaient plutôt dans l’exploitation sexuelle des filles et la traite des femmes[2]. Quant au slogan d’aujourd’hui « Eigen volk eerst », il date de cette époque, illustré alors par une bande dessinée vendue pendant les meetings du VB où une jeune féministe « se laissait violer par un noir et un Nord-africain parce qu’elle est en faveur d’une société multiculturelle ».
A chaque décennie, sa prose et ses menaces. Voici quelques exemples. En 1982 : « D’ici dix ans nous aurons émancipé les chimpanzés. Entre temps, après les nègres et juste avant les singes, nous émanciperons les femmes ». Le féminisme ? Un plan diabolique. L’oppression de la femme ? Une tradition transmise par les Juifs. Apothéose de ce salmigondis : le néo-féminisme aurait pour seul but de mettre fin à la civilisation européenne. La preuve en 1991 : « Pour l’an 2000, les femmes doivent avoir augmenté leur fécondité de 50%, sous peine d’extinction du peuple. ». Après les « pouffiasses-lesbiennes », les femmes qui essaient de s’émanciper sont qualifiées de « malades qui veulent ressembler aux hommes ». Quoi de plus logique dès lors que de les remplacer par des hommes, quand elles sont élues comme c’est le cas aujourd’hui ? Il faut leur reconnaître au moins une constante fidélité aux monomanies de leurs aînés. Dès juillet 1990, quelques semaines seulement après que le Roi Baudouin a, pour des raisons de conscience (sic), refusé de signer la loi Lallemand, qui a déposé un texte visant recriminaliser l’IVG ? Le Vlaams Blok. Dénonçant une loi qui fait droit aux « états d’âme émotionnels des femmes », le parti réclamait une interdiction généralisée de l’IVG. Cette proposition de loi a été redéposée en 1992, 1996, 1999, 2003 et, après sa dissolution, par le Vlaams Belang en 2007, 2008 et 2011. Quelle obstination ! Nul doute que les 18 élus au Parlement fédéral de ce parti ne s’arrêteront pas en si mauvais chemin. Un chemin pavé d’entorses aux droits fondamentaux, de prises de position contraires aux lois antiracistes comme au principe constitutionnel de l’égalité des Belges.
Non, ils n’ont pas traîné, contestant – à peine les micros ouverts – l’article 11bis de la Constitution qui garantit aux femmes et aux hommes l’égal exercice de leurs droits et libertés ainsi que la parité dans les institutions. Le Vlaams Belang doit d’ores et déjà être déclaré hors-la-loi. De deux maux il eut fallu choisir le moindre : respecter les électeurs et les élus peut-être, mais pas au prix des principes de l’Etat de droit. Il n’est pas trop tard : ouvrons les yeux et fermons-leur la porte !
Sylvie Lausberg, historienne et présidente du CFFB – Conseil des femmes Francophones de Belgique
[1] « Ouvrez les yeux ! Le Vlaams Blok déshabillé », Espace de libertés et Ed. Luc Pire, 1994
[2] Voir De Morgen, 21 octobre 1993