Reconnaissance des enfants nés sans vie

Reconnaissance des enfants nés sans vie

La « reconnaissance des enfants nés sans vie » est à nouveau à l'ordre du jour à travers plusieurs propositions de loi réclamant des mesures pour aider les couples victimes d'une fausse couche. Ces propositions - bien qu'elles s'en défendent - remettent en cause le droit à l'interruption volontaire de grossesse !

La détresse et le deuil de ces couples ne nous laissent pas indifférentes. Au contraire. 

Il est important pour ces personnes d'être entendues et soutenues. Est-il pour autant nécessaire de couler cela dans la loi ?

 La proposition d'inscription dans un registre des grossesses non menées à terme, avec attribution d'un prénom ou même d'un patronyme au « foetus », ne nous semble pas répondre à l'objectif déclaré, à savoir rencontrer de façon humaine l'interruption accidentelle d'une grossesse. Nous pensons que cette détresse serait avant tout rencontrée dans le cadre d'une prise en charge au niveau de la vie affective et de l'équilibre psychique de la femme, du couple.

 

 

Chaque personne doit pouvoir rester libre d’extérioriser ou non son deuil, comme de choisir sa manière de le vivre.

 En 2013, le Conseil des Femmes Francophones a estimé qu’il fallait légiférer en la matière, mais en insistant pour que la loi adoptée laisse le libre choix aux parents de déclarer ou non cet événement : « ces propositions visant à aider les parents attristés à faire le deuil d’un enfant espéré ne peuvent en aucun cas remettre en cause le droit à l’interruption volontaire de grossesse. Le droit des femmes à planifier leur grossesse est un droit acquis sur lequel on ne peut revenir.

Aujourd’hui le Ministre de la Justice et son parti, le Cd&V, se prononcent pour l’attribution d’un nom et l’enregistrement d’un acte de naissance, actes à l’Etat civil. Or, la personnalité juridique (état civil) ne peut être attribuée qu’à un être vivant et viable. Rappelons que l’état civil est la situation de la personne dans la famille et la société, résultat d’une procédure écrite d’identification administrative.

 Nous souhaitons également attirer votre attention sur les éléments suivants qui nous semblent très importants :

 1. Confusion sémantique

Dans les débats sur l’humanisation des conditions de deuil des femmes ou des couples confrontés à une fausse-couche, nous tenons à souligner le risque de glissement sémantique entre humaniser le deuil et humaniser le fœtus, risque rencontré par la fréquente confusion entre les termes  « fœtus » et « enfant » dans toutes les initiatives législatives émises sur ce sujet. Il faut être attentif à parler de fœtus et non d’enfant sans vie lorsque l’on évoque une grossesse en deçà de 25 semaines.

 Le risque de glissement sémantique est avéré dans la proposition de loi 54K0243 du CD&V (amendement 4 du 6 mai 2015) qui prévoit un acte de naissance, pour toute grossesse interrompue quelle que soit la durée de gestation, avec possibilité d’inscrire nom et prénoms.

 2. Introduire de nouveaux paliers dans une grossesse pour la prise en compte du deuil constitue une remise en cause déguisée du droit à l’avortement

A-t-on conscience que sous prétexte d’apporter une réponse à une souffrance psychique consécutive à une fausse-couche, le législateur introduirait ainsi de nouveaux paliers dans les âges gestationnels ? Celui visant les foetus de 15 semaines introduit par le CDH se situe à la limite des délais légaux de l’IVG fixés à 14 semaines d’aménorrhée, soit 12 semaines de grossesse. Cela risque très sérieusement de conduire à l’impossibilité, lorsque les circonstances s’y prêteront, d’ouvrir le débat sur l’extension de l’IVG au-delà de 12 semaines de conception, ainsi que sur la création d’une procédure de dépénalisation spécifique pour des femmes « hors délai ».
Pour rappel, l’avortement est légal en Hollande jusqu’à 22 semaines et en Angleterre jusqu’à 24 semaines.

 L’objectif des propositions de loi actuellement en discussion est donc bien, selon nous, d’abaisser le seuil au-delà duquel le fœtus est considéré comme enfant et non pas seulement d’accueillir et d’humaniser le deuil des femmes et des couples confrontés à une fausse-couche, comme l’indiquent ces propositions.

 Mettre le doigt dans cet engrenage nous paraît dès lors extrêmement préjudiciable pour les valeurs que nous défendons :

– le droit des femmes à planifier leurs grossesses,

– le droit de l’individu à une vie décente et au bien-être tout au long de l’existence, et non le droit à la « vie » comprise comme une notion abstraite, un principe absolu régulièrement invoqué pour entraver la liberté de la recherche scientifique, et spécifiquement la recherche sur embryon.

 Sauf à être atteint de cécité, aucun analyste ne peut cacher que ces propositions heurtent de manière insidieuse, c’est un euphémisme, la loi Lallemand – Michielsens de 1990 qui a fait de la Belgique un pays moderne en ce domaine. Il ne saurait se concevoir de faire marche arrière !

Viviane Teitelbaum

Présidente

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