Lettre ouverte au Bourgmestre Mathot

Lettre ouverte au Bourgmestre de Seraing, Alain Mathot

Monsieur le Bourgmestre,

Nous avons appris votre décision ou intention de construire un « Eros Center » dans la commune de Seraing et d'y associer une participation majoritaire de représentant-es des partis politiques au sein de l'asbl Isatis et d'y apporter la garantie d'un représentant désigné par la ville de Seraing pour surveiller les comptes. 

Dans la perspective des valeurs que défend le Conseil des Femmes Francophones de Belgique - et donc des associations qui le composent -, telles que la dignité pour tous les êtres humains, l'égalité entre hommes et femmes, la libération sexuelle par une information saine sur la sexualité, la vie affective, le respect des femmes, nous vous rappelons que nous ne pouvons admettre :

* le développement d'une institution inégalitaire, telle que la création d'un « Eros center », qui repose sur la marchandisation des êtres humains, majoritairement des femmes et des enfants, et que la demande prostitutionnelle provient presque exclusivement des hommes ;
* la perspective d'un marché du sexe soutenu par les pouvoirs publics, qui ne ferait qu'entériner l'assujettissement d'un certain nombre de femmes, d'enfants et d'hommes à cette demande et la mise sur le marché du corps et de la sexualité ;
* la signature paternaliste d'une telle démarche ;
* une telle incitation à la prostitution que représente la mise en place d'une institution de ce type.

 

Notre refus, Monsieur le Bourgmestre, est essentiellement basé sur le fait que le développement de projets  d’« Eros centers » tel que celui que vous envisagez ou qui était envisagé à Liège, ne résout pas les problèmes de nuisances liées à la prostitution et n’élimine pas l’exploitation sexuelle et économique liée à la pratique prostitutionnelle. Il ne s’attaque pas à la traite des êtres humains, ne contribue pas à diminuer les réseaux clandestins ni à augmenter la sécurité des personnes les plus vulnérables.

C’est pourquoi, nous réaffirmons que le développement de telles initiatives ne peuvent être portées par des instances publiques, ni que des fonds publics puissent servir à des projets renforçant la violence sexiste.

Permettez, Monsieur le Bourgmestre, au moins que le débat public ait lieu avant d’appuyer une telle démarche.

Comme vous le savez certainement, la Belgique est signataire de la convention « pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui » de 1949. Celle-ci stipule clairement que « considérant que la prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l’individu, de la famille et de la communauté ». Dès lors, des instruments juridiques sont à disposition pour combattre cet état de fait. Notamment   (…)
– de punir toute personne qui : 1) Tient, dirige ou, sciemment, finance ou contribue à financer une maison de prostitution ; 2) Donne ou prend sciemment en location, en tout ou en partie, un immeuble ou un autre lieu aux fins de la prostitution d’autrui. – (…) de punir toute tentative et tout acte préparatoire accomplis en vue de commettre les infractions visées à l’article premier et à l’article 2.

Par conséquent, Monsieur le Bourgmestre, nous espérons que vous aurez à cœur, comme premier citoyen de votre commune de protéger TOU-TE-S vos citoyen-nes-s de la même manière à l’heure où les priorités économiques  de toutes les communes sont mises à rude épreuve.
Mais si toutefois, la ville de Seraing pouvait se permettre des investissements nous ne saurions que vous conseiller 

o de renforcer la lutte contre les causes de l’exploitation sexuelle et la marchandisation des corps ;
o de promouvoir la mise en place de politiques de prévention de la prostitution
o de dénoncer les « mythes » véhiculés sur la prostitution ;
o de condamner toutes les formes de proxénétisme et refuser leur dépénalisation.

En conclusion, Monsieur le Bourgmestre, nous vous invitons, dans un souci démocratique d’égalité hommes — femmes, de refuser la marchandisation des corps à travers le développement de « maisons de passe communales » et de combattre ensemble pour que cela ne devienne pas une politique de tolérance du système prostitueur.

Toutefois, sachez que le cas échéant, nous nous engageons à mettre en œuvre toutes les démarches utiles et à poursuivre judiciairement toute initiative de création de développement d’« Eros centers », ce en vue de défendre les valeurs et droits fondamentaux que malmène l’institutionnalisation de tels lieux.

Les signataires :

Pour le Conseil des Femmes Francophones de Belgique, asbl*
Viviane Teitelbaum, Présidente
Agnès Delwaide, Présidente de la section de Liège
Pascale Maquestiau, Présidente de la Commission « Violences envers les femmes »

*Au nom de toutes les associations membres du CFFB (et cette fois-ci en particulier les Femmes Prévoyantes Socialistes)

 

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