Position sur le rapport final du Comité de pilotage des Assises de l’Interculturalité

Position du CFFB sur le rapport final du Comité de pilotage des Assises de l’Interculturalité

1 – Introduction : au nom de quoi nous parlons
Organisation pluraliste par nature, le CFFB a pour objet de fédérer des femmes de diverses convictions et sensibilités. A ce titre, c’est bien naturellement que les points de vue exprimés en son sein concernant la question de la diversité culturelle peuvent refléter des préoccupations diverses.

Néanmoins, il ne fait de doute pour aucune d’entre nous que c’est au nom de combats prioritaires que nous avons choisi de mener en commun que nous devons nous exprimer. Ces combats sont les suivants :
– la représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans toutes les sphères de la vie publique ;
– l’installation du réflexe « égalité » c’est-à-dire le gender mainstreaming dans tous les aspects de la vie ;
– l’amélioration de la situation des femmes dans la vie économique et sociale ;
– la lutte contre toutes formes de violences faites aux femmes, dont la traite ;
– la santé et la qualité de vie des femmes ;
– la solidarité internationale avec toutes les femmes.

C’est en gardant à l’esprit ces luttes qui nous sont communes que nous avons examiné, avec la plus grande sérénité possible les recommandations émises par le Comité de Pilotage des Assises de l’Interculturalité.

2 – Ce que nos engagements nous amènent à défendre
Précisons-le d’emblée, le CFFB marque son accord avec les principaux constats de base qui ont amené à la convocation des Assises de l’Interculturalité, à savoir :
– que des personnes appartenant à certaines minorités culturelles, nationales ou religieuses sont, davantage que d’autres, touchées par la précarité ;
– que ces populations sont victimes de discriminations, contre lesquelles il convient de lutter, dans un certain nombre de domaines (emploi, logement, éducation,…).

Ayant examiné en détail le contenu du rapport, le CFFB considère également qu’un certain nombre de propositions qui y figurent peuvent constituer des pistes de réponse à ces problèmes.

Parmi les propositions qui semblent pouvoir constituer de véritables avancées en terme de promotion d’un meilleur vivre ensemble pour tous, le CFFB relève en particulier, dans le domaine de l’enseignement : l’abaissement de l’âge de l’obligation scolaire, la promotion du tutorat dans l’enseignement, le maintien de l’obligation scolaire et de la mixité dans l’enseignement, ainsi que l’intérêt d’enseigner la citoyenneté active.

Le CFFB reconnait aussi l’intérêt et soutient la nécessité d’une formation en Belgique pour les professeurs de religion, et insiste sur l’importance et l’urgence d’une telle mesure. Il appuie le refus de toute concession quant aux connaissances scientifiques à acquérir. Il reconnait également l’intérêt de prévoir des cours de langue pour les parents, et l’utilité de fournir des informations aux nouveaux migrants sur les conditions d’accès à l’emploi et à la vie harmonieuse. LE CFFB REGRETTE CEPENDANT QU’AUCUNE DE CES RECOMMANDATIONS NE FIGURE PARMI LES HUIT PRINCIPALES PROPOSITIONS ÉMISES EN FIN DE RAPPORT.

Le CFFB marque son accord sur l’encouragement des microcrédits aux candidats entrepreneurs, et à la reconnaissance de certaines compétences acquises à l’étranger (à condition d’en apprécier au préalable le contenu et la qualité). Il insiste en outre pour qu’un travail approfondi soit entrepris afin de revoir les dispositifs et les procédures d’équivalence des diplômes.

Concrètement, le CFFB se réjouit aussi de la mise en place plus efficace d’un système de monitoring socio-économique pour récolter et mettre à jour des informations indispensables sur l’état de discriminations dans l’emploi, la santé ou le logement. Il émet cependant lesréserves les plus vives quant au fait qu’un tel monitoring puisse être mené sur la base d’un critère aussi mal fondé que celui de « l’appartenance à une minorité religieuse »
Le projet d’un musée de l’immigration et de l’histoire coloniale qui ferait connaître à toutes et tous et notamment aux élèves des aspects importants de l’histoire et de la mémoire collective du pays nous semble enfin également d’un intérêt certain, à condition bien sûr qu’un tel musée soit mis en place avec la rigueur scientifique et pédagogique requise.

3 – Nos questions et nos inquiétudes
Malgré les points de convergences mentionnés, le CFFB ne peut cependant pas adhérer de manière globale aux conclusions tirées par le Comité de pilotage des Assises, essentiellement pour les trois raisons suivantes :

A. L’ABSENCE DE LA DIMENSION DE GENRE

D’emblée, le CFFB regrette que la dimension de genre ne soit que peu présente dans le rapport du Comité de pilotage, si ce n’est pour en relativiser et en affaiblir la portée. Le CFFB s’en étonne d’autant plus que de très nombreux problèmes que vivent les femmes du fait de certains aspects de cultures minoritaires avaient été dûment mis en évidence par un rapport rédigé dans le cadre des Assises(1).

Le CFFB considère, en particulier, comme inacceptable qu’un rapport rendu public puisse écrire que : « Alors que certains groupes issus des minorités ethniques, culturelles et/ou religieuses restent attachés à leurs propres modèles familiaux, la culture dominante a tendance à s’immiscer, par exemple à travers des actions spécifiquement destinées aux femmes dans le but de les inciter à s’émanciper des contraintes de la famille. »  (*)

Il exprime également les plus vives inquiétudes quant à l’interprétation qui pourrait être donnée à l’affirmation du Comité de pilotage selon laquelle
« l’interculturalité entendue comme projet de société impose que soient revues, renouvelées, et si nécessaire abrogées les approches existantes en matière de droits de la personne et de leur protection ». Le CFFB rappelle son exigence d’égalité des droits des hommes et des femmes. Il entend maintenir les droits que celles-ci ont acquis dans notre pays. Des propos d’autant plus inquiétants qu’ils sont suivis par d’autres selon lesquels « En règle générale, il est permis de dire que dans leur grande majorité ces travaux s’appuient sur les acquis de trois grands principes: l’égalité entre citoyens, la lutte contre le racisme et la xénophobie, et l’égalité de l’homme et de la femme. Ces principes ne sont effectivement pas absolus (3), ils coexistent avec d’autres principes, ce qui parfois entraîne la nécessité d’une mise en balance. Certaines formes ou actions de différenciation restent justifiables, et n’enfreignent donc pas le principe de non discrimination, dans la mesure où elles permettent d’assurer une meilleure harmonisation des intérêts en présence. Tout est question de proportionnalité ».

Le CFFB ne peut interpréter ces propos que tels qu’ils sont écrits, à savoir que dans la mesure d’une certaine « proportionnalité », ni la lutte contre le racisme, ni l’égalité des sexes, ni l’égalité des citoyens ne semblent avoir valeur de principes absolus pour les auteurs du rapport.

Au contraire, le CFFB considère ces trois grands principes comme fondamentaux et par conséquent non négociables. S’il reconnaît que des différences peuvent apparaître dans la mise en oeuvre concrète de ces principes, il ne peut en aucun cas accepter leur remise en question. De telles affirmations nous semblent en contradiction frontale avec les objectifs mentionnés dans l’accord de gouvernement pour servir de base à la convocation des Assises et selon lesquels « Dans le cadre du développement d’une société ouverte et tolérante, le gouvernement favorisera le respect de nos valeurs démocratiques communes (3) et organisera des «Assises de l’Interculturalité» composées de l’ensemble des représentants concernés et chargées de formuler des recommandations au gouvernement en vue de renforcer la réussite d’une société basée sur la diversité, le respect des spécificités culturelles, la nondiscrimination, l’insertion et le partage des valeurs communes. »

Le CFFB déplore que la composition du comité de pilotage n’ait pas repris toutes les opinions plurielles de la société civile. En outre, certaines associations prônant une autre vision du vivre ensemble regrettent de ne pas avoir pu participer au débat citoyen. (*)

B. L’ERREUR DE FOCUS

Le CFFB partage également les reproches qui ont été faits au rapport du Comité de pilotage, tant de l’extérieur que de l’intérieur (notamment par des membres du Comité qui ont décidé de se retirer du processus ou qui ont rédigé des notes minoritaires claires à ce sujet) quant à l’erreur fondamentale qui entache sa réflexion, à savoir le fait de prendre pour fil conducteur une conception divisée de la société, selon laquelle la question interculturelle devrait être lue en terme d’opposition entre une majorité et une minorité qu’il y aurait forcément lieu de protéger.

Nous citons, en particulier, ces deux réflexions qui illustrent notre préoccupation :

– « Le risque est grand que ce fétichisme culturel et le fétichisme du pluralisme culturel absolu renforcent les identités closes, même si le rapport fait beaucoup d’efforts pour proposer des relations et des communications. Mais ce que le rapport ne fait pas, en raison de son entrée étroite par le biais de la protection des minorités, renforcée par le concept à la mode mais défectueux d’accommodements raisonnables (qui oublie un adjectif : réciproques), c’est de poser la question de la base commune du pluralisme et de l’interculturalité, qui est la condition même pour qu’une interculturalité soit possible et qui ne se réduit pas aux relations interpersonnelles. En introduction, le rapport évoque la question de la réciprocité des comportements et de la vie commune, mais l’entrée par la question des minorités l’amène à oublier ce préalable en termes de propositions concrètes. » (Des Assises de l’Interculturalité mal assises, texte du Pr F. Dassetto paru dans Le Soir du 10 novembre 2010)

– « D’une manière plus générale, je regrette que le Rapport avalise la vision d’une société divisée entre une « majorité » culturellement dominante et des « minorités » qui ne seraient pas suffisamment reconnues en tant que telles. (…) C’est pourquoi je suis convaincu que la solution aux problèmes interculturels, en dernier ressort, n’est pas … culturelle, mais se trouve dans une refondation de l’Etat social européen et dans des politiques «généralistes » en matière d’emploi, de logement, d’urbanisme, etc. Pour s’inscrire pleinement dans cette logique, et articuler plus adéquatement et
plus concrètement les questions spécifiques de diversité et les questions de politique générale, il aurait fallu organiser les travaux du Comité de pilotage selon une autre méthode. » (Note minoritaire d’E. Delruelle, membre du comité de pilotage)

Plus précisément encore, la place étonnamment centrale faite dans le rapport à la dimension religieuse du fait culturel n’est pas non plus sans nous interpeller. Une telle conception ne nous semble pas en lien avec les problèmes concrets, essentiellement de nature socio économique, vécus par les personnes concernées, et en particulier par les femmes.

Les féministes que nous sommes n’oublient par ailleurs pas non plus que le différentialisme est une arme aux mains de ceux qui s’appuient sur la tolérance pour faire progresser des demandes politiques de moins en moins tolérantes et de plus en plus inégalitaires. Nous nous souvenons, par exemple, que les soi-disant « protections » spécifiques « accordées » à des groupes se muent facilement en obligations imposées à leurs membres individuels (comme nous le rappelle l’interdiction faite, il n’y a pas si longtemps, aux femmes de travailler la nuit…voire de travailler tout court !) (*)

Il faut rappeler, également, que le « droit à la différence » n’est pas un principe ultime mais un principe dérivé ou intermédiaire pour le droit à l’égalité, et que, conséquemment, les seules différences qui doivent être admises ou défendues sont celles qui respectent l’égalité. C’est en effet là leur condition de sens et de légitimité (4). (*)

C. L’ANGÉLISME / L’UNILATÉRALISME

« L’homme n’est ni ange ni bête, et qui veut faire l’ange fait la bête » (Blaise Pascal)

En outre, la perspective adoptée par les membres du Comité de pilotage de mener leur réflexion sur la base d’un schéma qui divise la société entre une majorité et une minorité, cette dernière devant forcément faire l’objet de mesures de « protection » (d’accommodement, d’adaptation,…), n’est pas sans avoir des effets déplorables susceptibles d’entretenir des tensions dans la société plutôt que de les apaiser. Les échos donnés dans la presse au rapport montrent en tout cas que ce dernier a davantage exacerbé les incompréhensions qu’il n’a contribué à les apaiser.(*)

En ce qui concerne le débat sur les accommodements raisonnables, le CFFB considère que, comme l’écrivent Nathalie Denies et Edouard Delruelle, les dispositions actuelles qui garantissent l’égalité de traitement, telles les lois anti discrimination, et la liberté d’expression pourvoient amplement au besoin d’encadrement juridique de la diversité culturelle.

Ceci étant admis, d’éventuels « aménagements » visant à prendre en compte des éléments liés à la diversité peuvent évidemment être adoptés de commun accord entre les parties intéressées et sans qu’il soit besoin de les y contraindre juridiquement. C’est d’ailleurs une pratique déjà très largement répandue aujourd’hui.

4. – NOS CONCLUSIONS

En réaction au contenu du rapport du Comité de pilotage des Assises de l’Interculturalité, il nous semble finalement utile de rappeler :

– Que la déclaration universelle des droits humains constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde et rappelle que tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Elle garantit que chacun puisse se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, desexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.;
– Que la cible du combat féministe n’est pas la culture en soi ni la religion en soi mais les pratiques patriarcales liées aux cultures et aux religions. Dans cette optique, il importe de rappeler l’impact de la dimension socio-économique et l’affirmation du principe non négociable d’égalité des femmes et des hommes;

– Que l’égalité en dignité et en droit des personnes des deux sexes est une valeur fondamentale dont on ne peut en aucun cas admettre la remise en question au nom de pratiques patriarcales ou sexistes véhiculées par les cultures, les traditions ou les religions;

Que, par conséquent, il est urgent de se souvenir que les cultures ne se réduisent pas à des « particularismes » qu’il conviendrait de respecter comme des oeuvres d’art immuables; (*)

– Que cela n’empêche en rien que, lorsque des valeurs culturelles ou religieuses s’opposent au principe d’égalité des sexes, nous considérons que c’est un droit et un devoir de les critiquer, de les dénoncer voire de les combattre, ce que nous continuerons à faire sans accepter de compromission aucune;

– Que l’interculturalité consiste à nous investir avec nos différences tant dans la lutte contre nos problèmes communs – lutter contre la pauvreté, pour plus de justice sociale, pour plus d’égalité, etc.-, que dans la lutte pour une égalité entre citoyen –ne -s;

– Que le « droit » à la différence ne doit en aucun cas devenir un objectif de politique publique à atteindre. L’universalisme promeut l’égalité des humains, par delà leurs différences individuelles, comme principe inaliénable. Le différentialisme, au contraire, tend à substituer au droit à la différence, la différence des droits.

Le Conseil souhaite mettre l’accent sur le commun dénominateur des luttes des femmes, à savoir le combat contre le système patriarcal, et faire apparaître qu’en dépit de modalités et de formes différentes selon les lieux et les périodes, c’est toujours ce même système qui opprime les femmes de diverses manières. C’est ainsi qu’il est possible d’envisager une lutte commune pour l’émancipation avec des femmes venant d’horizons politiques, idéologiques, culturels ou religieux différents.

Fidèle à sa tradition d’engagement social concret, le CFFB réaffirme donc l’importance et l’urgence qu’il y a à encourager la mise en commun des ressources individuelles et culturelles de tous dans une véritable convergence interculturelle. Notre conviction est qu’une telle convergence ne se construira pas sur l’exacerbation des différences communautaires, mais plutôt sur la mise en place de politiques et de lieux de rencontre, de partage, d’action et de promotion de l’émancipation de tou(te)s.

C’EST DONC SUR CES QUESTIONS QUE LE CFFB APPELLE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL, COMMANDITAIRE DU RAPPORT, AINSI QUE TOUS LES ACTEURS CONCERNÉS, À FOCALISER LEUR ÉNERGIE.

(* )Les paragraphes en gras dans le texte représentent ceux qui ne font pas l’unanimité au sein du CFFB. Ils ont été votés à 80/20. Le texte est donc commun, mais la position minoritaire exclut ces paragraphes.

 (1).Religions et droits des femmes originaires du monde arabe, influences et interférences,
Rapport et recommandations du projet mené dans le cadre des Assises de l’Interculturalité

AWSA (Arab Women’s Solidarity Association), janvier-juin 2010, 40 p
(2) {C’est nous qui le soulignons}
(3) {C’est nous qui le soulignons}
(4) Il faut distinguer, ensuite, entre les multiples différences. Il y a la différence ou la liberté
dont l’Etat de droit doit garantir le respect parce qu’elle est une condition de la dignité de la personne. Il y a la différence à laquelle l’Etat de droit doit demeurer « indifférent », ou qu’il doit tolérer. Il y a ensuite la différence que l’Etat de droit doit sanctionner, car elle est la négation de la dignité égale de chacun. La discrimination appartient à cette dernière catégorie.

                                                                                                                *          *          *          *

RAPPORT DE LA COMMISSION SANTÉ

La Commission « Santé » du Conseil des Femmes de Belgique a examiné avec attention le chapitre « Santé » du rapport des Assises de l’Interculturalité.

Cette Commission y a pointé des éléments intéressants, mais elle s’étonne que l’on demande des efforts importants d’adaptation au personnel soignant, mais sans contrepartie, vu qu’aucun effort d’adaptation de la part des minorités n’est demandé ; ceci risque de faire le jeu l’extrême droite.

Suite au vieillissement de la population, les dépenses pour la santé vont augmenter, de façon d’autant plus dramatique qu’à cela s’ajoute la dette publique qui va grever les moyens financiers de l’INAMI et peut-être une scission de notre sécurité sociale, qui ne serait guère profitable aux malades. Il sera difficile de pouvoir répondre aux besoins essentiels de la population. Une standardisation plus grande qu’aujourd’hui va être nécessaire pour rester dans les enveloppes financières.

Dans quelle mesure pourrait-on inclure des surcoûts dus à des exigences de minorités, alors que les besoins essentiels risquent déjà de ne pas être couverts ?

La Commission constate qu’aucune des recommandations relatives à la santé ne se retrouve dans les huit recommandations finales, ce qui laisse penser que les éventuels problèmes dans le secteur de la santé ne sont pas considérés comme essentiels.

Une attitude empathique et sensible à la dimension culturelle et interculturelle de nos soignants est tout à fait primordiale. Nous attirons toutefois l’attention sur le groupe des femmes, pour lequel une approche selon le genre doit être préconisée ; il faut tenir compte des inégalités de traitement en matière de santé et de soins entre les femmes et les hommes.

La Commission souligne les points suivants :

1. Mesurer et Prévenir

a) Monitoring : Si une enquête se met en place au sujet de la santé des minorités, nous estimons indispensable de différencier les résultats en fonction du genre. Cette enquête pourrait d’ailleurs être intégrée dans ‘l’enquête santé nationale’ effectuée tous les 4 ans.

b) Prévention : Les difficultés d’atteindre les minorités sont liées à un phénomène bien connu en santé publique : les programmes de prévention sont moins efficaces en milieux défavorisés.

La commission demande aux associations de minorités de communiquer la liste des relais utiles pour leur communauté, de traduire et de diffuser eux-mêmes les messages établis par les instances de santé publique à l’attention de leurs groupes respectifs. Elle appuie fortement la suggestion d’une campagne « smoke free ramadan ».

2. Interculturaliser les soins.

Il faut d’abord noter que la même attention doit être portée pour le genre et pour toutes les autres cultures européennes et en premier lieu les autres communautés linguistiques belges.

Quant au choix du soignant : le libre choix du médecin est un principe essentiel de la déontologie médicale. Libre donc aux membres de minorités culturelles de choisir leur médecin en fonction de leurs critères. Si problème il y a, ce ne peut être que dans le cadre particulier d’un service de garde, d’une hospitalisation, donc avec surveillance organisée jour et nuit. Dans un tel contexte, les demandes particulières ne peuvent être considérées que
comme déraisonnables, vu la charge de travail qui accable le personnel soignant et le coût des soins déjà très lourd pour la société, qui ne fera qu’augmenter avec le vieillissement. Les hôpitaux devraient être encouragés à faire signer à l’entrée un document qui indique son intention de répondre au mieux aux demandes du patient, mais que, les contraintes budgétaires et organisationnelles ne peuvent garantir un résultat à 100%. La qualité des soins de l’ensemble des patients devant primer sur les intérêts particuliers. Par ailleurs, il faut prendre en compte la menace de désorganisation du système de santé qui pourrait survenir si les populations majoritaires demandaient à leur tour d’être soignés selon tel ou tel critère (par exemple en termes de types de soignants).

La Commission ne comprend pas l’appel à diversifier le personnel soignant, vu que les minorités y sont déjà largement accueillies. Si un manque particulier existe du côté des soins gériatriques, sur quelle base est-il étayé ? Les besoins en services spécifiques aux personnes âgées ne sont pas propres aux minorités : ils affectent toutes les composantes de la population, en particulier à Bruxelles, où les structures d’offre sont notoirement lacunaires en ce domaine.

Pour des soins interculturels de qualité, trois approches sont à préconiser :-

· Des compétences particulières ; à cet égard, les programmes de formation continue (crédits d’heures) devraient être accessibles aux soignants concernés par les soins aux minorités ;

· Les associations d’aide aux minorités devraient fournir des dictionnaires, incluant notamment les expressions spécifiques utilisées par ces minorités ;

· Des groupes de parole devraient être organisés, notamment pour les primo-arrivants, de façon à surmonter le choc de la migration et à les aider à s’intégrer en leur montrant que c’est possible.

L’histoire personnelle de chaque individu doit effectivement être prise en compte ; d’où l’importance du colloque singulier. Les minorités doivent donc accepter que (hormis le problème de langue), le soignant ait parfois besoin d’un dialogue en tête à tête, sans présence d’un tiers, notamment pour les femmes.

3. Regroupement familial.

On peut se demander si la pratique du regroupement de parents âgés est souhaitable ! Un déracinement à cet âge est toujours très perturbant, notamment pour les personnes atteintes d’Alzheimer.

                                                                                                                      *          *          *

RAPPORT DE LA COMMISSION ENSEIGNEMENT

La Commission enseignement du CFFB a lu avec attention le chapitre consacré à l’enseignement dans le rapport des Assises de l’Interculturalité. Elle partage le souci exprimé dans ce texte de lutter contre la ségrégation «ethnique», sociale et spatiale mais regrette que la dimension de genre en soit absente.

Si les termes égalité, égalité des chances, inégalités sociales etc. apparaissent à plusieurs reprises, nulle part la question de l’égalité des filles et des garçons, des hommes et des femmes n’est explicitement mentionnée alors que les recherches récentes montrent que les discriminations sociales, «ethniques» et sexuées doivent être articulées pour comprendre pleinement les inégalités touchant tant les enseigné-e-s que les enseignant-e-s.

A titre d’exemple, le texte d’introduction fournit une série de données relatives aux résultats obtenus par les élèves dans le système scolaire belge mais ces chiffres sont indifférents au genre de l’enfant. Présenter ces données en tenant compte du genre aurait pourtant permis non seulement une appréhension plus juste du vécu des élèves tant « d’origine belge » que « issus des minorités ethniques et culturelles » mais également une perception des enjeux croisés du genre et de l’origine dans les inégalités en milieu scolaire.

De plus, le sous-chapitre 1 propose d’augmenter le nombre d’heures de cours consacrés à la diversité, ce qui est une bonne chose, en occultant que ce cours, donné dans les Hautes Ecoles pédagogiques, concerne «la diversité et la dimension de genre» » (cfr intitulé du cours: « Approche théorique et pratique de la diversité culturelle et de la dimension de genre »).

Le chapitre 3 qui affirme l’importance du caractère de mixité (garçons et filles) de notre enseignement n’en tire pas les mêmes conclusions quant aux contenus dont on dénonce à juste titre l’eurocentrisme en «oubliant» leur androcentrisme. Une recherche européenne de 2010 menée sur le thème «Différences entre les genres, en matière de réussite scolaire», fait remarquer que le traitement des questions de genre n’est pas un objectif explicite du programme d’un certain nombre de pays dont la Belgique (Communauté française). Or, comme le souligne cette enquête, les dimensions de genre et d’origine peuvent ouvrir des voies fructueuses pour la réflexion et les pratiques enseignantes visant l’égalité entre filles et garçons et par là, leur accomplissement dans une société intégrée.

Enfin le chapitre 4 souligne la plus-value des médiateurs culturels sans exiger que pour ce personnel, la dimension de genre et l’analyse des rapports sociaux de genre soient incluses dans leur formation.

La Commission est d’avis que la spécialisation dans un domaine qu’il soit théorique ou pratique, ici celui de l’interculturalité, ne doit pas exclure la prise en compte d’autres champs sociaux qui lui sont étroitement liés. Or nous constatons que si les dimensions économique, sociale et culturelle sont intégrées, la dimension de genre ne l’est pas. Nous plaidons pour cette intégration car nous savons que cela signifiera non seulement plus de justice sociale mais aussi une meilleure qualité de l’enseignement. Nous voulons également attirer l’attention sur le fait qu’ignorer un type d’inégalité sociale dans un processus de changement social aboutit immanquablement à l’aggraver.

Mai 2011

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