ABANDON DU PROJET « EROS CENTER » à Seraing – 12 janvier 2019

Le Conseil des Femmes Francophones de Belgique félicite la ville de Seraing et ses édiles pour l’abandon du projet d’Eros Center. En effet, comme ils le précisent, ce projet contrevient à la législation actuelle sur le proxénétisme et l’exploitation de la prostitution au sens de l’article 380 du Code pénal. C’est une des raisons pour lesquelles , s’étant constitué partie civile avec deux de ses associations membres, Le Monde selon les Femmes et l’Université des Femmes. le Conseil des Femmes a déposé, en juin dernier, une plainte contre X entre les mains d‘un juge d’instruction.

Avant d’entamer cette procédure, le CFFB a, pendant plusieurs mois, pris le temps d’aller à la rencontre des personnes prostituées de la rue de Marnix, à l’écoute de leurs demandes et inquiétudes. C’est, entre autres, dans le prolongement de cette démarche féministe et solidaire, ainsi que dans le but de répondre à leurs craintes suscitées par l’Eros Center, que nous avons déposé plainte.

A l’instar de la ville de Seraing, nous pensons que la législation relative à la prostitution doit évoluer.  Cette évolution doit rencontrer les objectifs du Plan d’Action National 2015-2019[i] qui se concentre sur différentes formes de violences en ce compris la prostitution. En conformité avec ses engagements nationaux et internationaux, notre pays doit poursuivre l’objectif de mettre fin à ce système d’exploitation, et non permettre à une commune de contourner la loi pour réglementer l’exploitation par des tiers des revenus de la prostitution.

En effet, en autorisant un Eros Center – financé avec de l’argent public- la commune de Seraing a tenté de légaliser une entreprise basée sur l’exploitation sexuelle d’êtres humains.  Le Conseil des Femmes a, en l’espèce, toute légitimité d’intenter une action judiciaire, conforme à ses missions, s’agissant en toute grande majorité de filles et de femmes qui auraient été tenues de répondre à une demande d’actes sexuels provenant presque exclusivement d’hommes.

Pour le CFFB, qui regroupe près de 70 associations de femmes francophones de toutes tendances, l’argent public doit, au contraire, être utilisé au bénéfice des personnes prostituées afin de les aider à sortir de la précarité et leur permettre un choix de vie non contraint.

Le projet de société que nous défendons repose sur l’émancipation et l’autonomie de décision des personnes, en particulier des femmes. Qui peut raisonnablement soutenir que la prostitution est un choix délibéré, souhaitable et épanouissant ? Si certaines personnes prostituées le revendiquent comme tel, ce n’est pas à nous d’en juger.

En revanche, il est de notre responsabilité de rappeler que la prostitution est, en bout de chaîne, le résultat d’une précarisation financière des femmes, victimes d’un système qui reste aussi marqué par la domination sur leur corps.  On mesure aujourd’hui à quel point une vision tronquée de la prostitution persiste, en dépit de tous les témoignages qui détaillent les viols et violences subies par les personnes prostituées.

C’est pourquoi nous avons saisi la justice. Parler de « menaces du lobby féministe » constitue un retournement indigne de la charge de la faute.  Par notre dépôt de plainte, nous avons voulu mettre en lumière la dérive éthique inhérente au projet d’Eros Center de Seraing, une maison de passe communale où les instances publiques se seraient appuyées sur un contrat commercial de marchandisation des corps.

Gagner de l’argent en se prostituant est la conséquence d’un parcours de vie compliqué, le plus souvent traumatisant ; l’ensemble du phénomène prostitutionnel constitue à ce titre un problème sociétal et social très complexe. Les réponses doivent l’être également.

Notre objectif est de lutter contre toutes les formes de proxénétisme et de traite des êtres humains. Nous voulons renforcer la lutte contre les causes de l’exploitation sexuelle et travailler sur les programmes de sortie de la précarité.

C’est pourquoi, avec ses associations membres spécialisées dans l’approche de cette problématique, le Conseil des Femmes Francophones de Belgique est à la disposition de la Ville de Seraing pour envisager des actions concrètes afin de réorienter l’argent public au bénéfice des personnes prostituées, dans un système basé sur la solidarité, le respect et l’égalité entre les hommes et les femmes garantie par la Constitution.

[i] http://evaw-global-database.unwomen.org/en/countries/europe/belgium/2015/plan-daction-national-de-lutte-contre-toutes-les-formes-de-violence-base-sur-le-genre