La loi belge en 2013
Le droit belge est très clair en ce qui concerne les origines identitaires de l’enfant : l’indication du nom de la mère dans l’acte de naissance est une obligation légale qui suffit à établir la filiation maternelle. Si la femme est mariée, la filiation paternelle est établie automatiquement avec son mari (même si l’homme n’est pas le père biologique). Pour l’enfant né hors mariage, il faut une démarche de reconnaissance de la part du père pour établir officiellement son lien de parenté avec le bébé.
Autrement dit, il n’est légalement pas possible pour une femme d’accoucher de façon anonyme. En France, en revanche, cette pratique est autorisée. D’après les indications obtenues naguère par le comité consultatif de bioéthique, entre 50 et 100 femmes belges accoucheraient chaque année « sous X » (dans l’anonymat) dans les cliniques du nord de la France, essentiellement à Lille (LLB du 08/10/2010).
Développements
Une demande d’accouchement sous X est le plus souvent liée à des problèmes d’ordre psychologique, selon le comité de bioéthique qui a rendu, en 1998, un avis sur la question, proposant une modification de la législation pour un accouchement dans la discrétion.
Certaines femmes ont du mal à assumer l’idée de devenir mère, tout en refusant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) pour des raisons philosophiques ou autres. Les raisons de refuser la maternité peuvent être multiples : certaines femmes se sont retrouvées enceintes à la suite d’un viol ou d’un inceste ; d’autres se sentent trop fragiles pour porter le poids d’un enfant, notamment si elles sont dans une situation économique très précaire ou sont abandonnées par le père ; d’autres encore ont découvert leur grossesse tardivement (au-delà du terme légal de 12 semaines pour pouvoir avorter). Il s’agit aussi de très jeunes filles qui se sentent incapables d’affronter leur entourage quand elles se rendent compte, parfois à 7 ou 8 mois, qu’elles portent un enfant (déni de grossesse).
Les questions qui se posent dès lors sont de savoir :
a) si une mère peut accoucher sous X (c’est-à-dire de façon anonyme) et ;
b) si un enfant né sous X et devenu adolescent a le droit de réclamer accès à l’identité de sa mère biologique.
Selon certains experts, les accouchements dans le secret, même partiel, et les mises en adoption anonymes peuvent avoir des effets dévastateurs pour l’enfant comme pour les familles concernées. D’autres témoignages montrent au contraire que des enfants nés sous X, peuvent mener une vie sereine et parfaitement normale, sans jamais connaître leurs origines.
Par ailleurs, la révélation d’un comportement facilement stigmatisé en tant qu’abandon d’enfant peut avoir des effets fort perturbateurs sur la vie de la mère biologique, laquelle a continué sa vie avec la certitude de ne pas revoir cet enfant (celui-ci ayant en principe retrouvé une nouvelle famille) ; ces perturbations peuvent être d’ordre divers : conflits familiaux dus à l’irruption d’un(e) inconnu(e), stigmatisation dans l’entourage proche, rejet dans le milieu professionnel, …
En cette matière, il faut éviter de privilégier un éventuel droit de l’enfant au mépris d’un droit de la mère, laquelle a laissé vivre cet enfant dans des conditions bien précises.
Il y va aussi d’une question d’égalité hommes/femmes, un homme étant autorisé (et d’ailleurs invité) à donner son sperme de façon anonyme, aux fins d’aider certains couples dans le cadre d’un processus de procréation médicalement assistée.
Ouvrir la porte à un accès aux origines pourrait dès lors s’étendre au père, au risque de tarir les dons, source de grande joie pour les couples stériles.
Le travail parlementaire en cours
Une majorité semble se dégager au Sénat en vue de légaliser l’accouchement « discret », après que des auditions complémentaires organisées en mars 2013 en Commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales eurent montré que l’accouchement « anonyme » ne recueillait pas les faveurs d’experts consultés.
Notre proposition
Nous proposons une modification de la législation, afin de permettre l’accouchement « anonyme » et non pas l’accouchement discret.
A l’instar de ce qui est autorisé en France, la mère aurait l’autorisation d’accoucher « sous X », c’est-à-dire dans l’anonymat, sans possibilité pour l’enfant de demander ultérieurement accès à des informations relatives à ses origines.
Cependant, tant les femmes accouchant sous X que les donneurs de sperme devraient laisser des renseignements sur d’éventuelles anomalies génétiques, lesquelles pourraient être transmises aux enfants recherchant des informations sur leur origine.
Cette solution aurait le mérite d’éviter à de nombreuses femmes de devoir faire un déplacement onéreux et psychologiquement lourd vers la France.
Elle permettrait aussi de dresser un cadre clair de la situation, évitant qu’une question au sujet des origines devienne à terme l’objet d’un conflit entre parties et évitant aussi qu’une éventuelle solution intermédiaire (par exemple un juge jouant le rôle d’arbitre) soit envisageable et sème le doute dans l’esprit de la mère envisageant d’accoucher sous X.