Carte blanche : « La lutte pour l’égalité des genres, de chances et pour la diversité mérite un secrétariat d’État plein et entier »

Lettre ouverte à la nouvelle secrétaire d’Etat, Marie-Colline Leroy, et à l’ensemble du gouvernement De Croo

Nous, associations féministes et de défense des droits des femmes, du nord comme du sud du pays, saluons la désignation rapide d’une nouvelle secrétaire d’État à l’égalité des genres, des chances et à la diversité, en la personne de Marie-Colline Leroy. Il y a une semaine, Sarah Schlitz démissionnait de ce poste, assumant les conséquences des erreurs commises par son cabinet et par elle-même. Or, à peine cette démission validée par le Premier ministre, certaines factions politiques y ont vu des opportunités. Dissoudre ce cabinet ? Éparpiller ses compétences ? Nous sommes rassurées de constater que l’utilité de ce portefeuille d’actions a été réaffirmée. Mais ne soyons pas naïves et naïfs : nous pouvons raisonnablement craindre que ces attaques répétées – nous ne parlons pas uniquement du « logo-gate » – ne visaient pas uniquement la messagère, mais bien les compétences et les luttes qu’elle incarne.

Nous observons avec inquiétude les forces conservatrices et réactionnaires gagner du terrain, diffuser leurs discours et leurs idéologies. Nous savons le peu de cas que ces courants font du secteur associatif, des droits des femmes, des minorités sexuelles et de genre… sauf quand il s’agit de brandir l’égalité en étendard pour mieux cibler et rejeter certains groupes de population soi-disant étrangers à ces valeurs. Plus que jamais, la lutte pour l’égalité des genres, de chances et pour la diversité mérite un secrétariat d’État plein et entier, voire un ministère dédié et nous en faisons d’ores et déjà une revendication centrale pour le prochain gouvernement.

Une autre politique est possible

Pour l’heure, nous attendons de la nouvelle secrétaire d’État qu’elle poursuive les travaux entamés par sa prédécesseure : la loi « stop féminicide », le plan d’action national contre les violences basées sur le genre 2021-2025 (PAN), ou encore le plan interfédéral de lutte contre le racisme – attendu depuis plus de 20 ans ! – sont quelques-uns des dossiers cruciaux qui doivent impérativement aboutir sous cette législature.

Ils se devront d’être exemplaires tant sur le fond que sur la forme, afin de ne pas être détricotés au gré des futures coalitions au pouvoir. Si certaines méthodes de la précédente secrétaire d’Etat ont pu faire l’objet de critiques, nous souhaitons souligner à quel point son travail a pu aussi proposer une autre façon de faire de la politique : en plaçant la société civile au cœur des processus, en prenant le temps de découvrir et de (re) connaître son travail… ainsi que la précarité du secteur non-marchand, et de ses travailleurs, en grande partie des travailleuses.

À défaut de financements structurels suffisants (que nous appelons de tous nos vœux), les nombreux appels à projets restent d’une importance vitale pour pallier cette absence et assurer vaille que vaille le bon fonctionnement, voire la survie d’associations qui luttent chaque jour pour une société plus égalitaire et plus juste.

Nous rappelons donc la pertinence de préserver et de multiplier, à l’avenir, des dispositifs de suivi du travail législatif incluant l’associatif, comme la plateforme nationale de la société civile créée pour assurer l’évaluation du PAN 2021-2025. Les politiques publiques de lutte contre toutes les formes de violences et de discriminations ne peuvent pas se penser « en chambre », ni faire l’économie des conditions matérielles et financières dans lesquelles les associations de terrain effectuent un travail primordial de première ligne.

L’égalité est l’affaire de tout un gouvernement

Au-delà des compétences d’une secrétaire d’État, c’est le gouvernement dans son ensemble qui se doit d’œuvrer encore davantage à une société plus juste, plus égalitaire et sans violences. Un gouvernement qui se targue d’en faire une priorité, dont le Premier ministre se revendique féministe, doit, en toute cohérence, en créer les conditions et s’en donner les moyens.

Cela signifie, entre autres :

Renforcer l’application par la Belgique de ses obligations internationales : Convention d’Istanbul, CEDEF (Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes) et toutes les directives européennes liées à l’égalité femmes-hommes ;
Suivre les recommandations du comité d’expert·e·s mandaté pour évaluer la loi sur l’intervention volontaire de grossesse : augmentation du délai de 12 à 18 semaines, suppression du délai de « réflexion », fin des sanctions à l’encontre des femmes, entre autres ;
Garantir une réforme des pensions réellement favorable aux femmes, en renforçant les périodes assimilées et en améliorant l’accès des travailleur·euse·s à la pension minimum ;
Élargir l’accès des travailleur·euse·s aux crédits-temps en augmentant la compensation financière de tous les congés thématiques de soin, en réélargissant les conditions pour y avoir accès (enfants jusque 8 ans) et en réintroduisant le crédit-temps sans motif… avec une assimilation pleine de ces périodes ;
Revaloriser substantiellement l’ensemble des métiers du soin, ces fonctions essentielles, applaudies durant la crise sanitaire, et occupées majoritairement par des femmes à la limite de la précarité

Enfin, devons-nous rappeler que les droits des femmes, des personnes LGBTQIA +, des personnes racisées et des personnes en situation de handicap relèvent d’abord des droits humains, notamment du respect de la dignité humaine de toutes et tous. Un gouvernement qui dit s’y attacher ne peut, dans le même temps, violer délibérément et de façon répétée les droits humains les plus fondamentaux et ses engagements internationaux en ce qui concerne l’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile. Nous, associations féministes et de défense des droits des femmes, du Nord comme du sud du pays, ne cesserons de rappeler à ce gouvernement, comme aux prochains, l’urgence de faire advenir une société véritablement juste, égalitaire et sans violences pour toutes et tous.

Nous sommes et serons là, unies, pour veiller, interpeller, œuvrer.

Féministes, tant qu’il le faudra.

Signataires

Un front large d’associations de défense des droits des femmes, rassemblé par Vie féminine. Avec :

– Bamko
– BruZelle
– Collectif des Mères Veilleuses
– Conseil des Femmes Francophones de Belgique
– Corps Ecrits
– Ella vzw
– Elles sans Frontières / Elles pour elles
– Fédération Laïque des Centres de Planning familial ASBL
– Femmes CSC
– Femmes de droit
– Furia
– GAMS Belgique
– Garance
– Isala
– La Voix des Femmes
– Le Monde selon les femmes
– Maison Maternelle Fernand Philippe asbl
– Solidarité Femmes
– Soralia
– Sofélia
– Synergie Wallonie
– Université des femmes
– Vrouwenraad

Cette carte blanche a été publiée le 03 Mai, sur le site de la RTBF