Les femmes méritent mieux !
En tant que présidentes des associations coupoles des mouvements de femmes en Belgique, nous souhaitons soutenir le débat qui a enfin cours afin d’améliorer l’accès et la perception du recours à l’interruption volontaire de grossesse dans notre pays.
Lors de notre audition du 6 juin dernier en commission justice, nous avons demandé à nos représentants politiques de tenir compte du vécu des femmes qui, seules à porter le poids de la maternité, restent soumises à des jugements négatifs quand elles décident de ne pas poursuivre une grossesse.
Que les conditions pour avorter ne soient plus inscrites dans le Code pénal est une bonne chose, mais l’avancée reste maigre par rapport à nos revendications que nous souhaitons rappeler :
Tous les experts, sauf un, ont démontré qu’une femme qui est décidée à demander une IVG souffre inutilement quand on l’oblige à attendre encore une semaine avant l’intervention. Les femmes qui hésitent face à une grossesse inattendue prennent le temps de réfléchir et n’ont pas besoin que le législateur leur dise pendant combien de temps. C’est infantilisant. De même, la spécialiste de l’adoption a démontré que proposer à la femme qui demande une IVG de poursuivre la grossesse pour donner l’enfant à l’adoption est totalement hors sujet. Les femmes ne sont pas des ventres, mais des sujets à part entière qui ont le droit de décider d’être mère ou pas, quand et avec qui.
Sur la question qui fâche, celle du délai légal pour avorter, notre position est claire : l’IVG devrait être autorisée sur demande de la femme enceinte jusqu’à la 18e semaine de grossesse ; pour les grossesses entre 12 et 18 semaines, l’intervention doit de toute façon avoir lieu dans un hôpital avec des équipes formées. Rappelons qu’en moyenne les femmes belges interrompent leur grossesse vers la 7e semaine. Les demandes au-delà de 12 semaines concernent des femmes confrontées à d’énormes difficultés, souvent des moments de vie où tout bascule. Alors que l’arrivée d’un enfant ne ferait qu’aggraver encore leur situation, qui s’autoriserait à forcer ces femmes à poursuivre une telle grossesse ? Aujourd’hui, elles sont envoyées à l’étranger et on pratique la politique de l’autruche au lieu de mettre en place des procédures pour les accompagner et les aider. De même, jusqu’à présent, la loi ne prévoit pas une extension du délai pour les femmes victimes de viols et de violences. Ce n’est pas normal quand on connait les chiffres effrayants du nombre de viols – #100parjour – en Belgique dénoncés par l’ancienne secrétaire d’Etat Elke Sleurs (NVA).
Enfin, prévoir des peines de prison pour une femme qui aurait dépassé la limite de 12 semaines est totalement inacceptable et supposerait de revenir à une époque où, pour éviter de telles sanctions, les femmes seraient tentées de recourir à des avortements clandestins. Il est totalement incompréhensible qu’en 2018 on en soit encore là !
Le débat a enfin lieu et les femmes doivent être au centre des préoccupations et des décisions. Au nom des femmes que nos associations représentent, nous tenons à souligner que plusieurs mesures contenues dans le texte présenté par la majorité nous donnent l’espoir que nos revendications seront entendues. En effet, il est important que l’interdiction d’informer sur les moyens abortifs soit supprimée et que les personnes ou associations qui empêchent les femmes d’accéder aux établissements de soin soient sanctionnés.
Une société égalitaire, qui permet aux femmes et aux couples de décider s’ils veulent des enfants, quand, combien et avec qui, est une société moderne digne des idéaux démocratiques que notre pays défend. Ce n’est malheureusement pas la tendance en Europe et encore moins dans le monde. Les droits des femmes y sont de plus en plus réduits, bafoués, remis en question. Notre pays forme le cœur de l’Europe ; il doit avancer main dans la main avec ses voisins la France, le Luxembourg, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, et depuis peu l’Irlande, pour garantir aux femmes le droit à l’égalité, à l’autodétermination et au bonheur familial, quand et comme elles le souhaitent. Soyez en assurés, la santé et le bonheur des femmes bénéficient à la société tout entière, à leurs partenaires de vie, comme à leurs enfants qui sont notre avenir et celui de notre pays.
Sylvie Lausberg, Présidente du Conseil des Femmes Francophones de Belgique
Magda De Meyer, Présidente du Vrouwenraad