Le passage plus vite au forfait affectera tout particulièrement les mères chômeuses ayant charge de famille, dont l’allocation pourra encore plus rapidement descendre jusqu’à 1090€ par mois. Bien loin du seuil européen de pauvreté (1300 € pour une personne avec 1 enfant à charge). Un appauvrissement de plus pour celles qui sont déjà les plus précaires. Et plus grande est la pauvreté, plus il est difficile d’en sortir et de trouver du travail. Et pourtant, cette mesure se trouve dans l’accord gouvernemental sous la rubrique « Favoriser l’emploi ».
À cela, il faut encore ajouter les mesures d’activation et les restrictions concernant la définition d’un emploi convenable (impossibilité de refuser, dans un rayon de 60 km, des emplois qui impliquent une absence de plus de 12 heures ou des déplacements de plus de 4 heures entre le domicile et le lieu de travail). Les femmes avec charge de famille, se verront ainsi soumises à des temps de déplacement de plusieurs heures pour pouvoir travailler : assurer à la fois emploi et soins aux enfants deviendra impossible.
Les femmes sont de plus surreprésentées dans le statut de cohabitant-e (une chômeuse sur deux est cohabitante contre un chômeur sur trois)1. Elles vont donc passer encore plus vite aux catégories d’allocations les plus basses, notamment le forfait de 484 euros par mois.
De plus, puisqu’il faudra toujours un parcours beaucoup plus long à temps partiel qu’à temps plein pour retrouver ses droits après une période de travail et ainsi « remonter » à l’allocation complète2, les conséquences de la dégressivité seront plus lourdes pour les travailleurs à temps partiel, principalement des femmes (45,8% des femmes salariées le sont à temps partiel3).
En outre, les dernières périodes de chômage au forfait ne seront plus assimilées pour la pension sur base du dernier salaire perdu, mais seulement sur base du droit minimum. Quand on sait que 60 % des femmes touchent moins de 1000 euros de pension (contre seulement 30 % des hommes)4, on mesure l’impact d’une telle mesure dans un contexte où l’égalité des revenus entre hommes et femmes est loin d’être atteinte et où l’indépendance financière des femmes tout au long de leur vie est loin d’être garantie.
Le Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté a récemment introduit un recours au Conseil d’Etat visant à faire annuler l’arrêté royal introduisant la dégressivité des allocations dechômage. La Plate-forme féministe socio-économique souhaite marquer sa solidarité avec cette initiative.
La Plate-forme féministe socioéconomique rappelle une fois de plus qu’une application de la loi du gendermainstreaming du 12 janvier 2007 en amont des décisions du gouvernement aurait permis de mesurer l’impact différencié sur les femmes et sur les hommes, ceci afin de mettre un terme aux discriminations.
1 BABILAS Liliane, « L’individualisation des droits dans l’assurance-chômage », Revue belge de Sécurité Sociale, n° 2 (2e trim. 2009), p. 371.
2 La retour à l’allocation complète sera obtenu après 12 mois de travail à temps plein, 24 mois à mi-temps et 36 mois à 1/3 temps.
3 Source : Direction générale statistique et information économique
4 Femmes et hommes en Belgique. Statistiques et indicateurs de genre, Bruxelles : Institut pour l’Egalité des Femmes et des Hommes, 2011, p. 70.
La Plate-forme féministe socioéconomique a vu le jour le 8 mars dernier à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes afin de tirer la sonnette d’alarme sur les mesures d’économie du gouvernement et de demander des chiffres révélant l’impact des mesures de crise sur les femmes.
Les signataires de la plate-forme sont :
ABVV/FGTB, Action Chrétienne Rurale des Femmes, ACV/CSC, Centre Féminin d’Education Permanente, Comité de Liaison des Femmes, Conseil des femmes francophones de Belgique, Ella, Femmes et Santé ASBL, Flora réseau d’expertise, Genderatwork, Femma, La Voix des Femmes, Les Femmes Prévoyantes Socialistes, Le Monde selon les Femmes, Marche Mondiale des Femmes/Wereldvrouwenmars, Nederlandstalige Vrouwenraad, Synergie Wallonie pour l’égalité entre les Femmes et les Hommes, Vie Féminine, VIVA-SVV, Vrouwen Overleg Komitee.