Communiqué de presse
Hier au Parlement, tous les partis politiques ont exprimé leur effroi suite au suicide d’une adolescente de 14 ans, consécutif au viol collectif, filmé et diffusé par ses jeunes agresseurs sur les réseaux sociaux.
Si les débats ont mentionné la faillite de notre société qui n’a pu empêcher ce qui s’est passé à Gand, les réponses se concentrent d’abord sur le durcissement des peines de prison et le renforcement de l’arsenal pénal. En quoi l’allongement des peines est-il de nature à dissuader les auteurs? Pourquoi ne met-on pas en place dans les IPPJ et les prisons des programmes spécifiques pour les agresseurs sexuels ?
De plus, la Belgique a un gros défaut : elle est rétive à la véritable prévention. Car développer des centres d’accueil pour les victimes, ce n’est pas de la prévention. C’est trop tard ; le mal est fait, et ses sont conséquences traumatiques indélébiles.
Il aura fallu que cette jeune fille s’ôte la vie pour que les politiques reconnaissent qu’il s’agit d’un fléau, d’une pandémie. Alors j’enrage, parce que cela fait des années que les associations de femmes alertent les pouvoirs publics, démontrent chiffres à l’appui que les filles et les femmes sont en danger dans notre pays, au sein de leur famille, de leurs cercles d’amis, dans la rue, dans les clubs sportifs et leurs lieux de loisirs. A chaque échéance électorale, nous réclamons que la lutte contre ces violences soit
centrale dans les programmes gouvernementaux : « En Belgique, la lutte contre les violences envers les femmes doit devenir une priorité nationale. Pour que les filles et les femmes puissent vivre sans crainte d’être agressées, violées, frappées, battues, assassinées.» (1)
Si notre revendication d’un ministère fédéral des droits des femmes n’a pas non plus été entendue (2), des avancées ont été engrangées, surtout à Bruxelles et en Wallonie, grâce au Plan intra-francophone, élaboré fin 2020. Pour une fois, un accent a été mis sur la sensibilisation et la prévention, mais la mise en œuvre tarde. Les budgets pour que chaque jeune puisse participer aux espaces d’échange sur la sexualité et la vie relationnelle et affective (EVRAS) sont largement insuffisants. Et la généralisation souhaitée de ces animations ne concerne que l’école officielle, le réseau libre refusant de l’organiser de manière structurelle. Idem pour les cours de citoyenneté. Or, c’est bien de cela qu’il s’agit : donner les moyens à l’école de former des citoyens, éthiquement responsables, plutôt que de considérer qu’il s’agit d’un appendice du programme.
Les viols et les violences sont le résultat d’une société qui reste sexiste, dans ses structures comme dans les mentalités. Oui, c’est une pandémie, et une pandémie ne se combat pas seulement avec des mesures de contrainte. Gouverner c’est prévoir et nos gouvernants ont largement été prévenus !
Pendant le confinement, nous les avons une fois de plus alerté sur l’aggravation des viols, des violences et du harcèlement subis par les femmes : « Maintenant, ça suffit ! Nous exigeons un plan d’investissement pour nous, la moitié de la population, pour mettre fin à ces violences structurelles et relationnelles. Parce qu’elles nous concernent tous et toutes. (…) Parce que chez nous, quand il s’agit du corps des femmes, de protéger leur intégrité, on fait pire qu’ailleurs en Europe. Pour 68% des Européens rien ne justifie la violence sexuelle – ni une jupe trop courte ni la consommation d’alcool – ; en Belgique nous ne sommes que 54% à la condamner quelques soient les circonstances. Il faut que ça change ! Vous avez le devoir, ministres actuels ou à venir, présidents de partis et chefs de groupe parlementaires de garantir notre droit à l’intégrité physique et psychique ». (3)
Ce n’est pas une question d’argent : rien que dans le monde du travail, les violences envers les femmes coûtent chaque année près de 300 millions d’euros au pays ! (4)
Aujourd’hui, cela fait enfin débat au Parlement et le Premier Ministre a décidé d’agir. Mais ne nous trompons pas de combat : l’objectif n’est pas de punir davantage les agresseurs, mais d’empêcher qu’ils passent à l’acte ! Concentrez-vous sur le sort des filles et des femmes ; donnez les moyens à
notre société de sortir enfin de ce cauchemar.
Sylvie Lausberg,
présidente du Conseil des femmes Francophones de Belgique
s.lausberg@cffb.be
(1) https://www.levif.be/actualite/belgique/lettre-de-sylvie-lausberg-presidente-du-conseil-desfemmes-francophones-de-belgique-a-paul-magnette-enrayez-la-violence-faite-aux-femmes/articlenormal-1215571.html
(2) https://www.lesoir.be/191908/article/2018-11-24/sylvie-lausberg-il-faut-un-ministere-federal-desdroits-des-femmes
(3) https://plus.lesoir.be/306654/article/2020-06-12/carte-blanche-en-belgique-les-femmes-necomptent-pas
(4)https://www.pourlasolidarite.eu/sites/default/files/publications/files/ed-2015-carve-violences-befrvf_0.pdf