Les femmes aux Jeux Olympiques

30/07/2021

Les Jeux Olympiques, une des principales compétitions internationales, ont lieu tous les quatre ans, alternant Jeux d’été et Jeux d’hiver. C’est un des événements sportifs les plus emblématiques – seule compétition rassemblant tous les sports : athlétisme, natation, ski, gymnastique, patinage, canoë… -, mais également les plus prestigieux pour les athlètes. Les Jeux de Tokyo se déroulent actuellement, du 23 juillet au 8 août, et les Jeux paralympiques du 24 août au 5 septembre. L’occasion de se pencher sur la question de la représentation des femmes dans le sport et notamment aux Jeux Olympiques.

Un idéal olympique… sans femmes

Pour la première fois dans l’histoire des Jeux, ceux de Tokyo respectent le principe de parité, avec 49% d’athlètes femmes. De plus, il y aura deux fois plus d’épreuves mixtes[1], qu’aux Jeux olympiques de Rio en 2016 : 18 au lieu de 9. Parmi celles-ci le relais 4x400m, une épreuve en judo et en triathlon, le relais 4x100m quatre nages, ou encore des compétitions en tir. Cette année, le Comité olympique avait même recommandé aux pays participants d’avoir deux porte-drapeaux, une femme et un homme, pour promouvoir l’égalité femme-homme. Bien que la très grande majorité des pays ont suivi cette recommandation, certains ont choisi de confier leur drapeau à un seul homme, comme les Emirats arabes unis ou les Bermudes ; alors que d’autres, comme le Congo ou le Cameroun, ont choisi une athlète femme.

Si les JO semblent actuellement relativement égalitaires, ce fut un travail de longue haleine pour atteindre un tel résultat cette année. Si, lorsque les Jeux ont été refondés en 1894 par Pierre de Coubertin, les femmes n’en étaient pas officiellement exclues, elles n’étaient cependant pas conviées à ces célébrations “du muscle et du cerveau”. Ce n’est qu’en 1900 qu’elles ont pu y participer et encore, seulement aux épreuves dites “compatibles avec leur féminité et leur fragilité[2]”… Les femmes ne pouvaient participer qu’à des sports considérés comme féminins, respectant la “décence” et leur évitant tout effort violent et continu. Les JO de Paris permettront donc à 22 femmes de concourir dans les disciplines suivantes : tennis, équitation, patinage artistique et enfin, le croquet, un sport qui disparaîtra rapidement de la liste des épreuves olympiques.

Dès la fin de la Première Guerre mondiale, Alice Millat, championne d’aviron et cofondatrice de la Fédération sportive féminine internationale (FSFI), oppose à l’argument de la fragilité des femmes leur participation à l’effort de guerre. Le Comité olympique refuse néanmoins de féminiser les épreuves, notamment celles d’athlétisme aux JO d’Anvers de 1919. Pour faire céder le Comité international olympique, et sous l’impulsion d’Alice Millat, des Olympiades féminines sont organisées de 1922 à 1934. Le succès de ces compétitions mondiales, auxquelles participent des centaines d’athlètes, vient à bout des réticences du Comité olympique qui féminise quelques épreuves.[3]

Une très lente évolution

Aux Jeux de Tokyo en 1964, il n’y a encore que 13% d’athlètes femmes ; vingt ans plus tard, à Los Angeles, on n’atteint pas encore les 25%.

Il faut attendre les années 1990 et les directives des Nations Unies sur l’importance du sport pour la santé et pour la disparition des stéréotypes sexistes pour que de réelles réformes changent la donne. A partir de 1991, toute nouvelle épreuve olympique doit obligatoirement comporter des épreuves féminines. Le CIO encourage également plusieurs initiatives pour promouvoir l’égalité des sexes, grâce à des groupes de travail sur le harcèlement et les abus, ou encore l’inclusion.[4] Ainsi, les jeux de Londres en 2012 sont les premiers où les femmes concourent dans tous les sports. Et cet été, pour la première fois donc, la sélection des athlètes respecte la parité.

L’égalité des genres est aussi un des objectifs du Comité olympique belge.[5] Aux Jeux de Tokyo, la délégation belge compte 122 athlètes, dont 67 hommes et 55 femmes. Parmi ces sportives, deux championnes du monde ou sacrées aux JO de Rio en 2016 ont de bonnes chances de médailles : Nafissatou Thiam (heptathlon) et Nina Derwael (gymnastique artistique). Les équipes et athlètes féminines belges réalisent d’ailleurs de très bon résultats lors de ces Jeux: pour la première fois de son histoire, l’équipe de gymnastique artistique s’est qualifiée pour la finale par équipe, terminant 8éme. L’équipe de basket, les Belgian Cats, a battu l’Australie, deuxième équipe mondiale, pour son premier match. Fanny Lecluyse s’est quant à elle qualifiée pour la finale du 200m brasse pour ses troisièmes JO. Des résultats prometteurs pour la suite de la compétition !

Le sport, et l’argent du sport

Si de plus en plus de femmes participent à des activités et des compétitions sportives, les inégalités restent flagrantes, que ce soit en termes de participation, de couverture médiatique ou de rémunération. Les primes des joueuses de football féminin sont dix fois inférieures à celles de leurs homologues masculins. Dans certains sports, comme le rugby, les femmes ont un statut amateur et ne peuvent donc exercer leur sport comme profession. Le sponsoring, c’est-à-dire le soutien financier d’une entreprise à une équipe ou à un sportif, reste bien moindre pour les athlètes femmes que pour leurs homologues masculins, ce qui entrave leur professionnalisation faute de revenus suffisants. Au niveau décisionnel, les fédérations belges sont à 93% dirigées par des hommes. Enfin, dernier exemple marquant, seulement 30% des affilié.e.s à une fédération sportive sont des femmes.

C’est bien parce que de telles inégalités subsistent que l’Institut fédéral belge pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) a publié en 2020 une série de recommandations sur les femmes et le sport.[6] Parmi celles-ci, outre la nécessité de sensibiliser aux bienfaits notamment sur la santé de l’activité physique et de repenser les infrastructures sportives d’une façon genrée et de garantir un espace sécurisé, l’IEFH  insiste sur la valorisation de tous les types d’activité physique sans stéréotype de genre, ou encore la promotion accrue du sport féminin dans les médias. L’objectif est que davantage de femmes prennent part à des activités sportives, afin d’atteindre une meilleure représentation dans le sport.

Pour lutter contre les inégalités, et promouvoir une autre vision du sport, mais aussi pour mettre en lumière les manifestations de sexisme dans le sport, le collectif #BalanceTonSport[7] a vu le jour le 8 mars dernier à l’initiative de la judokate belge Charline Van Snick.

Si de nombreux efforts, notamment dans le milieu olympique, ont été faits afin de lutter contre les inégalités femmes-hommes, il reste encore beaucoup à faire en Belgique.

Dans le monde aussi, comme le démontre la dernière polémique sur la tenue de handball de plage de l’équipe féminine norvégienne qui a eu l’audace de jouer en short et non en bikini, comme le stipulent les règles internationales[8], alors que l’équipe masculine joue en short sans que cela ne pose problème !

Rendre le sport accessible aux femmes, c’est aussi valoriser les compétitions féminines qui doivent être présentées comme ayant autant d’intérêt et de valeur que celles réservées aux sportifs. Les épreuves mixtes, saluées par les athlètes[9], sont l’occasion de montrer que le sport féminin est tout aussi intéressant que celui masculin.

Alors, à quand la finale d’un tournoi de Grand Chelem masculine le samedi, et la finale dame célébrée en grandes pompes le dimanche ? A quand les compétitions de foot féminin diffusées sur les chaînes de grande audience, au même titre que celles masculines ? En attendant ce moment, soutenons nos athlètes féminines et encourageons-les dans cette compétition et les prochaines !

Marianne Chagnon

Commission Jeunes du CFFB


[1] Comité International Olympique, Quelles sont les nouvelles épreuves au programme des Jeux d’été à Tokyo en 2020 ?, https://olympics.com/cio/faq/sports-programme-et-resultats/quelles-sont-les-nouvelles-epreuves-au-programme-des-jeux-d-ete-a-tokyo-en-2020

[2] Yannick Ripa , « Les femmes aux jeux Olympiques », Encyclopédie d’histoire numérique de l’Europe [en ligne], https://ehne.fr/fr/node/12316

[3] Ibid.

[4] Comité International Olympique, L’égalité des sexes dans le sport, https://olympics.com/cio/egalite-des-sexes

[5] Comité olympique belge, Empowering women in sports, https://teambelgium.be/fr/page/olympisme-en-action

[6] Recommandation de L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes nr.2020-R/005 concernant les femmes et le sport, https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/adivsories/recommandation_les_femmes_et_le_sport.pdf

[7] RTBF, Le collectif #balancetonsport s’interroge : « Le Sport aurait-il été créé par les hommes pour les hommes ? », 4 mai 2021, https://www.rtbf.be/sport/dossier/actu-des-athletes-belges/detail_le-collectif-balancetonsport-s-interroge-le-sport-aurait-il-ete-cree-par-les-hommes-pour-les-hommes?id=10754080

[8] Julie Richard, “Compétitions sportives féminines – Tenues de sport, le machisme au vestiaire”, Libération, 21 juillet 2021, https://www.liberation.fr/sports/tenues-de-sport-le-machisme-au-vestiaire-20210721_XYYTU5NT5RGZ3DJTT7OLJGB3EM/

[9] Anthony Hernandez et Adrien Pécout, “JO de Tokyo 2021 : une mixité parfois en trompe-l’œil”, Le Monde, 27 juillet 2021, https://www.lemonde.fr/sport/article/2021/07/27/jo-de-tokyo-2021-une-mixite-parfois-en-trompe-l-il_6089715_3242.html

https://www.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/tokyo-2020/enquete-franceinfo-aux-jeux-olympiques-les-mamans-athletes-defient-aussi-les-prejuges-je-suis-plus-forte-qu-avant_4381017.html?s=08